À la fois docteur et patient

Par Jeff Vircoe; photo de Melissa Fabrizio
Le docteur Ian King, nouvellement psychiatre au centre de traitement Edgewood d’EHN Canada, comprend très bien le processus de rétablissement d’une dépendance, l’ayant lui-même vécu.
Lors d’un souper qui tenait lieu d’entrevue pour un nouveau poste au centre de traitement Edgewood, situé à Nanaimo en Colombie-Britannique, le docteur Ian King a choisi de dévoiler sa lutte contre la dépendance à ses futurs collègues.
« Pendant le souper, ils avaient décidé de commander des boissons, et je leur ai annoncé que je n’en commanderais pas, car j’étais en rétablissement. Ce fut un moment très intéressant », relate-t-il.
Aujourd’hui, s’étant joint à l’équipe de psychiatres de l’établissement, le docteur King évolue au sein de l’un des plus importants centres de désintoxication au pays.
Grâce à sa formation universitaire et à son expérience concrète, le jeune médecin jouit d’une crédibilité qui pourrait un jour le mener à être l’un des dirigeants de l’établissement. En effet, le docteur King possède une feuille de route impressionnante. Il a commencé son parcours postsecondaire en 2007 à l’Université de Calgary, dans sa ville natale, où il a fait quatre années d’études en sciences biologiques. Il s’est ensuite orienté vers la médecine à l’Université de l’Alberta, où il a obtenu son diplôme en 2017, après quoi il a effectué cinq années de résidence en psychiatrie, toujours à la même université.
Au cours de ses années d’études en médecine, King a eu l’occasion d’œuvrer en médecine familiale, en chirurgie, en gériatrie, en pédiatrie et en médecine légale dans de nombreux grands hôpitaux et établissements de santé dans le nord de l’Alberta. Cependant, c’est lorsqu’il est arrivé à la dernière année de son programme de résidence qu’il a trouvé sa véritable vocation : il voulait aider les personnes souffrant de problèmes de dépendance.
Et cela tombait à point.
La faculté de médecine et de dentisterie de l’Université de l’Alberta avait justement une place à combler dans son nouveau programme de surspécialité en médecine des toxicomanies, lequel est agréé par le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada comme programme de domaines de compétence ciblée. D’autres programmes de surspécialité existent dans cette discipline, mais ils sont donnés principalement aux États-Unis et à l’étranger.
King a déposé une demande d’admission, et il a été accepté.
« Il s’agissait presque d’un projet pilote, explique King. Il y avait tout un tas de choses supplémentaires à faire. Je devais atteindre les objectifs du Collège royal. Je devais suivre une série de formations supplémentaires qui n’auraient habituellement pas fait partie de ma formation en psychiatrie. Il y avait un volet de recherche. Je devais aussi enseigner. J’ai dû franchir beaucoup d’obstacles, mais cela en a vraiment valu la peine. »
Il est le premier diplômé du programme.
Un nouveau départ
À l’hiver 2023, assis à son bureau dans le pavillon principal du centre de traitement Edgewood, le docteur King attend son prochain patient. Il porte derrière son nom les titres de B. Sc. (méd.), M.D., FRCPC et DRCPSC (médecine des toxicomanies).
King a une voix douce. Il fait preuve d’une grande écoute. Il maintient le contact visuel. Son énergie est calme, sa sagesse semblant bien supérieure à ses 33 années de vie sur terre. Il est d’un naturel désarmant, ce qui n’est peut-être pas si surprenant lorsqu’on sait qu’il a lui-même surmonté une dépendance.
Son parcours depuis les contreforts de l’Alberta jusqu’à l’île de Vancouver est imprégné de valeurs familiales, d’études supérieures et d’un profond désir d’aider les autres. Il est conscient que grâce à sa formation, à sa propre histoire et aux mentors qu’il a eu la chance de côtoyer sur le chemin qui l’a mené à Edgewood, il peut faire une différence dans la vie de nombreuses personnes.
« C’est un privilège d’être ici, où les gens se présentent, avec espoir, et me font confiance pour les accompagner dans les moments les plus vulnérables de leur vie. C’est un travail rempli de sens et c’est quelque chose que je prends très au sérieux », déclare-t-il.
Au cours de sa dernière année de résidence, alors qu’il savait que le traitement des dépendances était sa véritable vocation, il devait effectuer un stage à option. Aîné d’une famille de quatre garçons, il gardait d’excellents souvenirs des étés passés avec sa famille dans les centres de villégiature de Parksville, à 20 minutes au nord de Nanaimo.
Pendant sa résidence, il avait passé du temps dans des centres de traitement de la région d’Edmonton. L’hiver 2021 approchait à grands pas, et il savait par expérience que l’île de Vancouver offrait « à peu près la température la plus clémente que l’on puisse trouver au Canada ». C’est pourquoi il a pensé à la ville de Nanaimo.
Il a contacté le centre de traitement Edgewood sur un coup de tête, sans trop se faire d’attentes. Pouvait-il y effectuer son stage? Était-ce même une option qui y était offerte?
« Un jour, je suis à Edmonton, assis au travail à l’hôpital, et je reçois un appel [du docteur Mel Vincent, auteur, conférencier et psychiatre de longue date au centre Edgewood]. Il me dit : “Tu sais, on serait ravis de t’accueillir, et on cherche justement un psychiatre.” Cela faisait déjà quelques années qu’ils en cherchaient un. Je me suis dit : “D’accord!” Je n’avais pas l’intention de me retrouver à travailler ici. Je m’attendais uniquement à vivre une super expérience d’un mois », raconte le jeune docteur.
En novembre 2021, sous la supervision du docteur Vincent et du docteur Gary Richardson, médecin et directeur des services médicaux au centre Edgewood, King a commencé à apprendre les rouages de la clinique. Ces apprentissages, sous la direction de deux mentors réputés possédant une vaste expérience pratique dans l’un des centres de traitement les plus reconnus au Canada (les deux hommes comptent plus de 20 années d’expérience à la direction médicale du centre Edgewood), sont ce qui a mené King à accepter le poste de deuxième psychiatre à temps plein de l’établissement lorsqu’il a eu terminé son stage. Il savait qu’il était au bon endroit.
Il est entré officiellement en fonction en août 2022.
Travailler avec des spécialistes du traitement des dépendances
King est extrêmement reconnaissant du soutien qu’il reçoit de ses deux collègues, qui sont d’éminents spécialistes du traitement des toxicomanies sur la côte ouest du Canada.
« Je ne sais même pas comment exprimer à quel point je les apprécie, dit-il. Sur le plan professionnel, il y a le fait d’avoir deux personnes qui savent manifestement de quoi elles parlent. Ainsi, lorsque je rencontre un problème, ou même parfois en tant que débutant, le fait de pouvoir verbaliser mon processus de réflexion et d’en discuter avec une personne en qui j’ai confiance et qui me dit : “Oui, ça se tient”, c’est rassurant pour moi. C’est agréable de ne pas avoir l’impression d’être seul dans mon coin, surtout à mes débuts. »
« D’un point de vue personnel, ils sont tous les deux d’un grand soutien, ajoute-t-il. Ils sont francs et, si je peux utiliser ce terme, aimants. Ils sont tellement de bons modèles pour moi. Les situations par lesquelles ils ne se laissent pas ébranler, les raisons qui les motivent à venir au travail tous les jours; ils sont vraiment d’excellentes sources d’inspiration pour moi, si tôt dans ma carrière. »
De son côté, le docteur Vincent estime que le sentiment est réciproque.
« Tout d’abord, il vient compléter notre équipe avec une formation très poussée. Il est parfaitement au fait des meilleures pratiques en matière de traitement des toxicomanies, en plus d’avoir terminé sa formation en psychiatrie », explique le docteur Vincent. « En ce qui concerne sa personnalité, poursuit-il, il est un être humain merveilleux qui a manifestement l’esprit d’équipe. Il est très attentionné et s’intéresse au bien-être de nos patients. Il est capable de faire preuve d’une incroyable gentillesse, d’un grand soutien et d’une excellente écoute, tout en sachant se montrer ferme et fixer des limites appropriées lorsque cela est nécessaire. »
Pour sa part, King est peut-être le nouveau, ou le débutant comme il aime se nommer, mais il n’est pas prêt pour le moment à faire des vagues. Le mois qu’il a passé à faire son stage à la clinique Edgewood lui a beaucoup appris.
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« Il s’agit surtout d’apprécier à sa juste valeur la tradition qui prévaut ici, dit le docteur King. J’entends parfois le terme “nouvelle vague”, mais c’est certain que je ne crois pas arriver ici avec l’intention de provoquer une révolution. La philosophie de traitement au centre Edgewood correspond déjà assez bien à celle à laquelle j’adhère. Au début particulièrement, j’ai l’impression que je dois apprendre à faire partie de quelque chose de grand, plutôt que de chercher à créer un grand changement. »
Apporter un nouvel équilibre au sein de l’équipe médicale
Marié et père de deux jeunes enfants, King demeure très discret au sujet de sa vie privée. Il a su établir de saines limites, comme le diraient les professionnels du milieu. Il accepte de parler de son rétablissement, mais ne souhaite pas en faire le thème central de sa carrière. En d’autres mots, il est conscient de l’équilibre délicat qui existe entre son propre parcours de rétablissement et l’aide qu’il peut apporter aux personnes qui entament cette démarche.
En se remémorant le moment où il a dévoilé à ses collègues sa lutte passée contre la dépendance, King affirme qu’il a pu y entrevoir quelques-uns des changements que le centre Edgewood apportait à son offre de services médicaux, et qu’il a pris conscience du rôle central qu’il y jouerait.
« C’était intéressant de voir la façon dont mon témoignage a en quelque sorte commencé à réduire le fossé qui existait entre l’équipe médicale et le personnel d’intervention », souligne King.
« Du côté des intervenants, plusieurs ont déjà eu eux-mêmes à surmonter une dépendance, explique King. Ce n’était pas le cas du côté des médecins, où personne n’a été en rétablissement. Je crois donc qu’il y a toujours eu un certain fossé entre les deux équipes. Lorsque j’utilise le terme “fossé”, je ne parle pas de la collaboration entre les équipes ou de leur dévouement au travail, loin de là. C’est plus une divergence de points de vue. Je pense que c’est assez nouveau d’avoir dans l’équipe médicale une personne qui a été aux prises avec un problème de dépendance. »
Le docteur Vincent, quant à lui, considère le rétablissement de son collègue comme un atout supplémentaire pour l’équipe.
« Il est en effet le premier médecin que nous avons dans notre équipe à avoir lutté contre une dépendance. Je suis ravi que nous ayons maintenant cet équilibre », affirme le docteur Vincent.
« Il est comme un petit frère pour moi, confie-t-il. J’ai bénéficié de sa formation récente et de son expérience et lui, je l’espère, bénéficie de mes dizaines d’années d’expérience clinique. Je pense que nous travaillons extrêmement bien ensemble et je ne peux pas imaginer une meilleure complicité. Sa personnalité me plaît beaucoup, il a un bon sens de l’humour, il s’entend bien avec les autres. Il s’est parfaitement intégré à l’équipe. »
Pour en rajouter, le psychiatre en chef y va d’une taquinerie amicale : « De plus, ma femme le trouve très beau et adore ses cheveux. »
King est reconnaissant de toutes ces personnes, des patients, des cliniciens et du soutien qu’il reçoit. Bien plus qu’une profession, c’est une vocation qu’il a trouvée, et il fait confiance au processus mis en place par ses prédécesseurs.
« C’est certain que cela m’aide à maintenir mon rétablissement, dit-il. C’est un rappel constant que je suis à une décision de me retrouver de l’autre côté de cette relation. Encore une fois, ce ne sont peut-être pas des mots très scientifiques, mais cette expérience remplit mon âme. Même lorsque ça fait mal, je me dis que ça vaut quand même la peine d’en faire partie. Que c’est un travail important. »
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